Article extrait du FMT Mag n°138 – mars / avril / mai 2021
Un moral stable pour les kinés
Créé en 2011, le premier Observatoire dédié aux Professions Libérales de Santé en est aujourd’hui à sa 9ème édition. Réalisée en partenariat avec IPSOS, cette enquête quantitative auprès de 495 Professionnels Libéraux de Santé, répartis en 7 professions : chirurgiens-dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes- ostéopathes,
médecins généralistes, pharmaciens, radiologues, et ophtalmologues, a été réalisée du 16 septembre au 19 octobre 2020.
2020 : une année d’opportunités malgré la crise sanitaire ?
Une année de crise sanitaire
- Une baisse de revenus pour la grande majorité des Professionnels Libéraux de Santé (PLS).
- Des besoins importants en trésorerie pour payer les charges sociales et pallier une période d’inactivité.
- Un moral en baisse durant la période.
- Un manque de soutien des institutions : Etat, établissements bancaires et compagnies d’assurance.
2020,une année d’opportunités ?
- Une fierté accrue d’exercer en libéral.
- Une vision malgré tout positive de l’avenir de leur profession, sauf pour les kiné-ostéopathes et les infirmiers. Des PLS qui, d’ailleurs, n’envisagent pas d’arrêter leur activité.
- Autre opportunité, la hausse importante de la pratique de la télémédecine (télé-expertise, téléassistance, téléconsultation, télésurveillance) qui pourrait s’ancrer dans le futur, même depuis le domicile.
- Cette technologie permettrait d’envisager un temps partiel au cabinet, une tendance qui se confirmerait dans le futur, de même que le regroupement dans un même lieu d’exercice.
Chiffres Clés
61 % des PLS jugent que leur chiffre d’affaires sera durablement impacté par la crise
87 % des PLS expriment des besoins de trésorerie, et 56 % les destinent à pallier une période d’inactivité
Le statut libéral est particulièrement plébiscité cette année (de 82 % en 2019, il passe à 87 % en 2020).
Dans le même temps, la fierté d’exercer leur métier, via une contribution réelle à la société, reste pour eux très élevée (91 %).
58 % jugent que leur moral a chuté durant cette période.
65 % des PLS sont mécontents de la gestion de la crise par le gouvernement.
72 % des PLS ont apprécié le mouvement de soutien populaire.
63 % des PLS estiment que la crise de la Covid- 19 a favorisé le recours à la télémédecine.
La crise sanitaire
Cette neuvième édition de l’Observatoire CMV Médiforce des Professions Libérales de Santé s’est déroulée dans un contexte inédit de crise sanitaire Covid-19.
Une crise qui a lourdement impacté les PLS
composant notre panel, tant d’un point de vue financier que moral, et ce quels que soient leur vécu et les conséquences de la situation sanitaire sur leur activité.
FOCUS – Crise Covid-19 : un impact évident sur les revenus des PLS1
Pour mémoire, les chirurgiens-dentistes, les ophtalmologues et les kinés-ostéopathes ont vu leur cabinet fermer lors du premier confinement.
Les chiffres de janvier à fin juillet 2020 de l’Assurance Maladie révèlent ainsi une baisse des honoraires remboursés de 19,6 % pour les dentistes (qui n’acceptaient que les urgences) et de 23% chez les masseurs kinésithérapeutes.
Les médecins généralistes et les radiologues, de leur côté, sont restés en activité, mais ont subi une baisse importante de fréquentation, que ce soit du fait d’un manque d’équipement de protection ou par crainte de contagion à la Covid- 19 de la part de leurs patients.
Les médecins généralistes ont ainsi connu une baisse des honoraires remboursés de 8,9 %, toujours selon ces mêmes chiffres. Les infirmiers et les pharmaciens ont été, en revanche, très sollicités, subissant ainsi une moindre baisse d’activité, et même une légère hausse des honoraires remboursés : + 3,1 % pour les infirmiers. Ceux-ci sont intervenus pour des traitements ou des soins en urgence ; les pharmaciens, quant à eux, ont répondu aux consultations informelles et aux demandes de masques et de gels hydroalcooliques, puis, depuis juillet aux requêtes de tests antigéniques.
Des impacts financiers immédiats
Les Professionnels Libéraux de Santé interrogés le disent clairement : la crise sanitaire a eu des répercussions immédiates sur leur situation financière.
61 % des PLS jugent que leur chiffre d’affaires sera durablement impacté par la crise.
Dans ce contexte, ils sont 87 % à exprimer des besoins de trésorerie. 56 % des sondés les destinent à
pallier une période d’inactivité. Sur ce point, les ophtalmologues, les infirmiers et les médecins généralistes sont les plus demandeurs de trésorerie. Notons que, parmi les PLS interrogés, les pharmaciens et les radiologues sont ceux qui ont le moins besoin d’utiliser cette trésorerie pour pallier un temps d’inactivité.
Les PLS sont par ailleurs plus que mitigés quant au soutien financier qui leur est apporté :
- Le soutien des banques via le PGE (Prêt Garanti par l’État) est jugé insatisfaisant à 67 %.
- Ils considèrent à 74 % qu’il n’y aura pas de moyens financiers supérieurs alloués à la santé suite à la crise.
- Les compagnies d’assurance sont celles qui sont jugées le plus durement, avec 18 % seulement des PLS qui estiment avoir été soutenus par elles.
La gestion de la crise par le gouvernement n’est pas davantage saluée : les PLS en sont mécontents à 65 %, un chiffre proche de la moyenne de l’ensemble de la population française, à 62 %.
Des conditions de travail impactées par la crise Covid-19
Dans ce contexte, les médecins généralistes considèrent logiquement, cette année, travailler davantage dans l’urgence et sacrifier la qualité de leur travail (une variation de + 17 points d’avis favorable sur cet item, entre 2019 et 2020).
Malgré cela, ils sont pourtant significativement plus nombreux que la moyenne des PLS à estimer que leur métier est stimulant au quotidien (90 % versus 80 % total PLS).
Les infirmiers, qui ont vu leur charge de travail s’alourdir, ont le même sentiment d’une dégradation des conditions de leur pratique, avec une hausse significative du poids des contraintes administratives (+ 19 points entre 2019 et 2020 sur cet item) et du sentiment de travailler dans l’urgence (+ 19 points entre 2019 et 2020).
Les professionnels de santé et les nouvelles technologies
Télémédecine : de nouveaux usages émergent
Cette nouvelle édition de l’Observatoire le souligne : si la baisse de la fréquentation a logiquement réduit l’usage quotidien de la gestion du dossier médical partagé ou DMP(de14%en2019à10%en2020)etla mise à disposition de résultats d’analyses via un serveur ou site internet (de 23 % en 2019 à 16 % en 2020), ces solutions, de même que l’usage d’outils connectés, restent des solutions d’avenir.
Par ailleurs, la crise sanitaire a favorisé un recours plus fréquent à la télé-expertise (de 62 % en 2019 à 65 % en
2020), et à la téléconsultation, qui passe d’un taux d’adoption prévue ou effective de 46 % en 2019 à 56 % en 2020, soit une croissance significative. Cette hausse du recours à la téléconsultation est clairement un effet du confinement, puisque, pour les PLS interrogés, elle arrive en tête des technologies sur lesquelles la Covid- 19 a eu un impact sur son utilisation (63 %).
Les médecins généralistes figurent d’ailleurs parmi les plus fervents pratiquants de la téléconsultation. Ainsi, ils progressent de façon significative aussi bien sur l’adoption que sur la pratique quotidienne (15 % en 2020 versus 4 % en 2019) ou ponctuelle (38 % en 2020 versus 8 % en 2019). Et ils sont 57 % à revendiquer vouloir poursuivre la pratique.
Focus sur la téléconsultation
Il y a encore quelques mois, la consultation médicale à distance ne séduisait pas franchement les Français. Mais avec la crise sanitaire et le confinement, le recours à cette pratique a explosé.
Plus de 527 000 consultations vidéos ont ainsi été facturées par l’Assurance Maladie lors de la deuxième semaine de confinement, contre moins de 10 000 au début du mois de mars. Mais c’est en avril que les chiffres sont les plus éloquents : « les
téléconsultations ont franchi la barre du million par semaine », indiquait Olivier Véran dans sa déclaration du 7 mai dernier.
Notamment, dans sa dernière étude de septembre 2020, la plateforme Doctolib a enregistré 4,5 millions de consultations vidéo ces derniers six mois, contre 100 000 avant le confinement – soit, 45 fois plus.1
Des métiers qui restent porteurs d’avenir
Certes aujourd’hui la situation est difficile, mais pour certains des PLS interrogés, demain le métier restera porteur d’avenir. Et ceci est d’autant plus vrai pour les médecins généralistes (68% d’opinions favorables) et les chirurgiens-dentistes (54% d’opinions favorables), qui connaissent une hausse significative de l’opinion Quant au futur de leur profession
Si les radiologues sont les plus optimistes pour l’avenir, avec une opinion en hausse constante depuis 2014, cet optimisme n’était hélas pas partagé par les infirmiers et les kinés-ostéopathes, qui ont la moins bonne opinion de leur profession d’aujourd’hui (65% d’opinions favorables pour les kinés ostéopathes, 67% pour les infirmiers), comme dans le futur (38% d’opinions favorables chez les kinés- ostéopathes, 37% chez les infirmiers).
Si l’on comprend bien que la pratique a été particulièrement pénible cette année pour ces professions, cette opinion dégradée de leur métier conforte le pessimisme sur leur vision de l’avenir, en hausse depuis 2015.
Des technologies qui pourraient à l’avenir constituer la nouvelle norme
La téléconsultation est vouée à s’ancrer dans les usages :
- Parmi ceux (56 %) qui ont mis en place la téléconsultation, 57 % déclarent qu’ils vont continuer de le faire et 36 % qu’ils vont le faire plus souvent. 11 % seulement affirment de pas vouloir continuer.
- Parmi les PLS âgés de 20 à 34 ans, c’est même une pratique deux fois plus répandue dans l’organisation de de leurs consultations (25 % versus 11 % moyenne PLS).
Le DMP (Dossier Médical Partagé), les objets connectés et la mise à disposition de données via un serveur seront pérennes :
- Au quotidien, les PLS disent cette année moins utiliser le DMP : son usage passe en effet de 14 % en 2019 à 10 % en 2020. Cela ne remet toutefois pas en cause son usage dans le futur, plébiscité par 86 % des PLS qui continueront à l’utiliser (parmi eux, 45 % de plus en plus et 41 % à la même fréquence).
- Si les objets connectés sont recommandés seulement aujourd’hui à 21 %, les PLS sont 85 % à estimer les recommander dans le futur.
- Et c’est la mise à disposition des données via un serveur ou un site internet qui va sans doute connaître l’accélération la plus importante dans la pratique pour 52 % des PLS interrogés.
71 % des PLS reconnaissent devoir développer leurs compétences en robotique et intelligence artificielle. Dans le même temps, les coûts d’équipements restent élevés pour 72 % d’entre eux.
Soulignons également, et c’est là un fait nouveau, que les PLS ont pris conscience cette année, que
leurs patients se modernisaient. Ils ne sont ainsi plus que 50 % (versus 73 % en 2019, soit un chiffre en baisse significative) à penser que leurs patients ne sont pas en mesure d’utiliser ces technologies.
Notons toutefois que des freins principaux demeurent, perçus au même niveau de crainte (63 %)
par les PLS : celle d’une déshumanisation de la relation patient, d’une vulnérabilité face aux cyberattaques, et d’un risque sur la confidentialité des données.
Focus Sur les Kinés-Ostéos
Les kinésithérapeutes continuent d’évoluer dans un climat globalement positif, leur satisfaction globale et leur opinion actuelle et future sur leur profession étant stables. L’image qu’ils ont de leur métier est largement positive, ils sont encore davantage satisfaits de leur statut de libéral et les contraintes administratives et le travail dans l’urgence tendent à reculer. Utilisateurs encore occasionnels de nouvelles technologies, ils prévoient d’étendre leur usage dans le futur, notamment sur le dossier médical partagé (DMP), la télésurveillance et les outils et objets connectés.
Résultats clés : Kinésithérapeutes / Ostéopathes
Un morale stable
86% des kinésithérapeutes sont satisfaits de leur métier.
Si l’opinion actuelle et future à l’égard de leur métier est tendanciellement en baisse, elle reste supérieure à celle de 2014.
La pression des contraintes administratives tend par ailleurs à baisser (59%), de même que le fait de devoir travailler dans l’urgence (27%).
Un usage des nouvelles technologies tourné avant tout vers l’accompagnement des patients
L’usage des nouvelles technologies est encore occasionnel parmi cette profession. La consultation en distanciel progresse très doucement.
Les kinésithérapeutes sont ouverts aux changements s’ils permettent de mieux servir les patients
Très largement positifs à l’égard du Ségur, ils plébiscitent notamment la prise en charge intégrée (83%) et le développement d’une plateforme pour le service d’accès aux soins (66%).
La satisfaction globale des kinésithérapeutes concernant la pratique de leur métier reste stable : 86% s’estime satisfaits. Les kinésithérapeutes ont une image positive de leur profession. De plus, le statut de libéral leur convient encore plus qu’avant et les contraintes administratives et le travail dans l’urgence tendent à régresser.
L’usage des nouvelles technologies est encore peu développé parmi les kinésithérapeutes. DMP, outils et objets connectés sont les nouvelles technologies que les kinésithérapeutes utilisent le plus actuellement. Le DMP devrait encore progresser.
La Covid-19 a favorisé l’adoption de la téléconsultation par les kinésithérapeutes.
Objets de santé connectés, DMP, télésurveillance et outils de suivi à distance sont les pratiques qui vont le plus de se développer pour les kinésithérapeutes.
Les principaux freins à l’usage des nouvelles technologies tiennent à la gestion de la patientèle : risque de déshumanisation, problèmes de confidentialité. Le manque d’équipement chez les patients est en recul alors que la contrainte budgétaire reste un frein important.
Les kinésithérapeutes ont une opinion globalement positive à l’égard du Ségur, notamment sur la prise en charge intégrée et le déploiement des infirmiers en pratique avancée. Le développement de la télésanté et le renforcement des missions, des conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) sont cependant en retrait.
86% des kinésithérapeutes souhaitent avoir de véritables collaborations locales entre élus, citoyens et acteurs locaux. L’intervention de l’Etat au nom de la solidarité et de l’accessibilité aux soins pour tous progresse cette année.
Plus d’1 kinésithérapeute sur 4 pratique d’ores et déjà la télémédecine. La consultation en présentiels au cabinet est et restera le mode d’organisation privilégié des kinésithérapeutes, même sur les téléconsultations connaissent une légère tendance positive.
Les kinésithérapeutes considèrent que les professionnels vont se regrouper dans un même lieu d’exercice. En revanche, cela ne signifie pas pour autant partager le temps d’occupation des locaux.
L’impact Covid-19 a été largement négatif pour les kinésithérapeutes, notamment parce qu’il a atteint leur chiffre d’affaires et leur moral.