Pas question d’opposer les deux manières majeures d’aborder le métier de kinésithérapeute : travailler dans le public ou en libéral. Mais au moment du choix, chacun fait preuve d’arguments bien ciselés.
Rodolphe, fraîchement diplômé (2010) a effectué des stages dans les différents secteurs pour se faire une idée du métier et décider sereinement de l’orientation de sa carrière : « Même si j’ai trouvé des différences notables entre les deux façons de travailler lors de mes stages, je n’oppose surtout pas le public et le privé ».
La sécurité d’être chapeauté
Et d’ailleurs ma vision se limite à celle d’un stagiaire. J’ai ainsi travaillé en hôpital avec plaisir, notamment concernant la notion d’équipe. J’y ai surtout apprécié la sécurité qu’apporte le fait d’être chapeauté par un médecin. Mais j’ai aussi noté qu’en milieu hospitalier, il était fréquent de se spécialiser, en fonction du service dans lequel on se trouve : réadaptation fonctionnelle, neurologie, pneumologie…
Ce qui peut être efficace dans le service, mais concernant un kiné qui a fait 15 ans de pneumo, il aura plus de mal lorsqu’il sera confronté à un mal de dos… Il y a également une question de rythme. De ce que j’ai vécu, à l’hôpital, on travaille moins qu’en libéral. On traite moins de patients. Pour moi qui aime le rythme, c’était moyen. En libéral on ne fait pas de pause clope, pas de discussions de cafét’ avec les collègues. Le public c’est vraiment plus cool ! Cette différence de rythme se retrouve dans les variations de salaires que j’ai retrouvés dans les trois secteurs.
Près de 1000€ d’écart pour un débutant
En tant que débutant, dans le public j’aurais gagné aux environs de 1400 €. Cela passait à 1700 € dans établissement privé (maison de retraite, établissement médicalisé, etc.). Alors qu’en libéral, en tant qu’assistant je pouvais débuter à 2500 €, même si je n’avais pas de congés payés. Ce qui m’a finalement décidé, c’est l’aspect hyper indépendant du kiné libéral lorsqu’il se retrouve seul face à son patient. Il doit répondre seul à un problème et c’est particulièrement gratifiant.” Rodolphe travaille finalement dans un cabinet de kinés libéraux en banlieue parisienne.
Suivre mes patients de bout en bout
Pour Christel, 40 ans (diplômée en 1994), le choix s’est également opéré après une mûre réflexion : “Après les stages en hôpital, j’avais même envisagé de poursuivre dans ce type d’établissement. Puis, le hasard d’une proposition dans le privé m’a fait changer d’avis. Aujourd’hui j’apprécie mon indépendance, le fait de ne pas avoir de hiérarchie. De mon point vue, je peux mieux suivre mes patients. Les contraintes des l’hôpitaux publics (réduction du temps de séjour, etc.) font qu’ils se séparent le plus rapidement possible des malades. Enfin, j’ai une plus grande automomie dans ma pratique. Je ne suis pas cantonnée à un seul service. Je traite des bébés aux vieillards, d’où une impression d’activité plus variée.”
On vient travailler à l’hôpital pour la qualité de vie
Christel a fait son choix et elle l’assume pleinement. C’est, au fond, selon Eric Legrand, le plus important : “Que l’on travaille dans un secteur ou un autre, il faut assumer ses choix. Nous avons la chance de travailler dans un univers qui ne produit pas de chômeurs, il reste donc à être cohérent avec soi-même.” Et Eric sait de quoi il parle. A bientôt 50 ans (diplômé en 1983), il a tâté de tous les statuts : libéral, salariat en clinique et en hôpital, organisation humanitaire, kiné sportif, remise en forme, enseignement, il travaille aujourd’hui comme salarié à l’hôpital Simone Veil de Montmorency.
Pour lui, le principal écueil du salariat c’est… le salaire : “Dans cette formule, c’est le principal point noir. En travaillant à l’hôpital, je sais que je serai moins payé, mais je vais valoriser d’autres pans de ma profession. Cette question des salaires explique certainement que l’on retrouve beaucoup de femmes à l’hôpital, surtout lorsqu’il s’agit d’un deuxième salaire au foyer. Pouvoir déposer son enfant le matin à l’école et le récupérer le soir, c’est formidable lorsque l’on fait ce choix de vie. Et nombre de mes consoeurs sont heureuses de pouvoir travailler dans ces conditions. Car, on vient principalement travailler à l’hôpital pour une certaine qualité de vie. Les autres points forts majeurs de l’hôpital sont : le travail en équipe ; la formation continue et une certaine polyvalence des activités en raison de la diversité des services. Des services qui permettent d’ailleurs d’atteindre facilement un certain niveau d’expertise.”
Je ne me verrais pas travailler seule dans un cabinet
Ce sont les mêmes critères que retient Anne (39 ans), qui travaille depuis toujours 1995) à l’hôpital, dans le public : “Au début, je ne savais pas vraiment, j’étais en stage à l’hôpital et on m’a proposé de rester. Comme je n’avais pas de prêt à rembourser, j’ai enchaîné. J’y suis restée cinq ans, puis j’ai changé d’hôpital, toujours à Paris et je m’y sens très bien. Le fait d’être salariée me convient, les horaires, les congés et surtout ces trois éléments majeurs que sont : la spécialisation, l’expertise et le travail en équipe. Je ne me verrais absolument pas travailler seule dans un cabinet. Et puis kiné, c’est un travail super varié. J’ai eu la possibilité de suivre des formations très pointues (drainage lymphatique, soins palliatifs, rééducation périnéale et aujourd’hui je fais partie des spécialistes, notamment des fuites urinaires chez les hommes. Je peux suivre mes patients de cancéro, après leur intervention (prostate ou vessie) et les accompagner, en prenant le temps nécessaire. Pour moi c’est une grande satisfaction.”
Les passerelles existent
Quel que soit leur choix initial, les praticiens ont, en plus, la chance de pouvoir moduler leur carrière. A la manière d’Eric, passer d’un secteur à un autre. Certains ont même réglé le problème en partageant leur emploi du temps. Un mi-temps à l’hôpital et un autre en libéral.
Ce dossier est issu de l’édition :
FMT MAG 99
juin/juillet/août 2011
Magazine trimestriel gratuit d’information diffusé à 38 000 exemplaires
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