La réalisation d’orthèses pour la rhizarthrose est une demande fréquente. La conception «sur-mesure» doit s’accompagner de principes de confection.
Résumé
L’orthèse ODYP est une orthèse de fonction dont l’indication est la rhizarthrose du pouce de stade 1 à 3 (Dell). Son principe d’action est le recentrage de la TM et l’ouverture élastique du premier espace. Pour cela, un bracelet de cuir entoure le poignet et, passant sur la TM, en contient la subluxation par un maintien inextensible et ajustable. L’ouverture de la première commissure est assurée par une sangle élastique fixée au bracelet.
La sangle élastique passe entre les cols de M1 et M2, ouvre la commissure tout en permettant une opposition facile, suit la ligne de flexion du pouce et s’attache par Velcro® sur la face palmaire du poignet. Confectionnée en matériaux résistants à l’eau, c’est une orthèse « tout terrain ». ODYP est complémentaire des attelles de repos statiques.
L’orthèse ODYP déjà présentée en 1997 devait subir quelques modifications pour devenir utilisable en usage courant intensif, professionnel, domestique, sportif ou de loisir [1].
Les matériaux utilisés sont maintenant résistants à l’eau et solides. La sangle élastique est positionnée de façon à éviter tout risque d’hyperextention de la MCP.
La rhizarthrose en quelques chiffres
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Figure 1. Les forces subluxant la TM et fermant la commissure du pouce
Figure 2. L’instabilité de la TM, les ostéophytes
Physiopathologie
L’instabilité de l’articulation trapézo-métacarpienne (TM), point de départ de la rhizarthrose du pouce est aggravée progressivement par l’association de la fermeture du 1er espace et de la subluxation latérale du 1er méta sur le trapèze. Par compensation, la métacarpo-phalangienne (MCP) tend à l’hyperextension en une pseudo-abduction [2] (figures 1 et 2).
La pince pouce-index se comportant comme une pince à prise démultipliée, les contraintes sur la TM sont multipliées par 10 par rapport à l’effort de serrage produit [5,6]. Un maintien non élastique de la tendance luxante de la TM sera donc préféré à un maintien élastique, inefficace au regard des forces en présence (figure 3).
Figure 3a-3b. Exemples d’orthèses élastiques pour rhizartrhose
Principe ODYP
Figure 4.
Le principe ODYP : les forces à appliquer pour contenir la luxation et ouvrir la commissure
Figure 2. Schéma à plat de l’orthèse : (1. Bracelet cuir, 2. Sangle élastique, 3. Axe du pouce, 4. Boucle de serrage , 5. Découpe de libération radiale, 6. Auto-agrippants d’attache, 9. Pointe de l’orthèse, 10. Angle d’adaptation du bracelet)
Le principe de base est de contenir la tendance à la subluxation latérale du 1er métacarpien sur le trapèze par un bracelet inextensible tout en maintenant l’ouverture commissurale de façon élastique (figures 4 et 5).
L’orthèse doit permettre une utilisation quasi normale de la main, du poignet, des doigts longs et du pouce.
L’orthèse composite cuir-néoprène, ODYP est composée d’un bracelet cuir ou synthétique inextensible et d’une sangle élastique.
- Le bracelet entoure le poignet et présente une angulation variable entre 120° et 160°
Passant sur la TM, il recentre ou limite la subluxation externe. Le serrage du bracelet est réglable par un retour sur boucle au dos du poignet. Sa fermeture se fait par Velcro® verrouillant l’attache palmaire de la sangle élastique.
- La sangle élastique en néoprène de 2 à 4 mm d’épaisseur est cousue en sandwich au bracelet.
De largeur adaptée à la morphologie de la main, elle part du bracelet, parallèlement au pouce, en direction de la 1re commissure, passe entre les cols de M1 et M2 puis, s’amincissant, suit la ligne de flexion palmaire du pouce et se fixe par Velcro® protégé face palmaire du bracelet.
Sa tension adaptable permet d’équilibrer l’orthèse qui aurait, sans elle, tendance à glisser en proximal (figure 6).
Figure 5a-5b. L’orthèse ODYP en vues palmaire (a) et dorsale (b)
Adaptation et prises de mesures
Angulation du bracelet : mesure de l’angle M1/ horizontale, pouce en position de repos, poignet en appui sur son bord ulnaire. L’angle obtenu sera multiplié par deux et soustrait à 180°.
Exemple : M1/ horizontale 15°, 15×2= 30°, 180°- 30° = 150° qui est l’angle d’adaptation optimal du bracelet pour ce patient (figures 7 à 9).
Largeur bracelet : de la base de M1 à recouvrir sur 1 à 2 cm à la styloïde radiale, la TM étant complètement recouverte. La partie cubitale du poignet est recouverte au plus juste pour libérer la mobilité du poignet.
Le relief de la TM sera comblé par un ajout de mousse en regard de cette articulation. La mousse s’écrasant presque complètement, il est nécessaire de renouveler l’opération jusqu’au complet comblement stabilisé du relief.
La largeur du bracelet peut être augmentée et déborder de 1 à 2 cm au-delà des styloïdes en cas d’arthrose du poignet et/ou du carpe associé.
La largeur de la sangle élastique ne doit pas dépasser les cols de M1 et M2 pour ne pas entraver l’opposition bien qu’une impression de confort soit perçue par une sangle élargie au-delà de ces limites.
L’épaisseur de la sangle de 3 mm n’oppose qu’une faible résistance à l’écrasement, n’empêche pas l’opposition et ne sollicite pas de réaction des muscles adducteurs.
Figure 7. Prise de mesure de l’angle d’adaptation
Figure 8. Vue radiale, les axes
Matériaux utilisés
Figure 9 : Attache palmaire du bracelet recouvrant et protégeant la fixation de la sangle
- Bracelet : cuir bovin teinté, traité marine, épaisseur 2 à 3 mm.
- Sangle élastique : néoprène épaisseur 2 à 4 mm.
- Boucle de serrage en acier inox.
- Rivet laiton.
- Fil nylon pour les coutures.
- Mousse Rolyan 2 à 4 mm en regard de la TM, face intérieure du bracelet pour parfaire l’adaptation au relief de la TM.
Confection
Le cuir est découpé en fonction des angles et mesures obtenues. Les bords de la pièce en contact avec la peau sont biseautés à l’abat-carre puis reteintés.
Une petite pièce de cuir retenant la boucle de serrage est cousue face dorsale du poignet en prenant en sandwich le départ de la sangle élastique (figures 10 et 11).
Les Velcros® d’attache du bracelet et de la sangle seront cousus en fin d’adaptation de l’orthèse.
Figure 10. Couture en sandwich de la sangle élastique entre les pièces cuir
Figure 11. Des perforations à l’emporte-pièce aèrent le bracelet en usage en milieu chaud ou humide
Utilisation
Résistant à l’eau, ODYP est une orthèse « tout terrain », utilisable dans toutes les activités sollicitant les pinces ou les attitudes douloureuses des pouces. Son port sera plutôt diurne et limité aux activités pathogènes de la rhizarthrose (figure 12).
Il sera nécessaire d’expliquer au patient qu’une utilisation excessive pourrait être néfaste en affaiblissant une musculature déjà déséquilibrée [7,8]. ODYP sera donc associée aux orthèses statiques de repos de port nocturne.
Figure 12a-12d. Exemple d’utilisation ODYP professionnelle, domestique ou loisirs
Contrôle de l’efficacité de recentrage de la TM
Ces radiographies montrent l’efficacité du recentrage de la subluxation de cette TM soumise à la contrainte d’une Key-pinch évaluée à 4,5 Kgf (figures 13 et 14).
Figure 13. Vue de la radio de la TM en serrage 4,5 Kgf sans ODYP
Figure 14. Vue de la radio de la TM en serrage 4,5 Kgf avec ODYP, à noter, le recentrage TM
Indication
L’instabilité de l’articulation TM dans la rhizarthrose du pouce opérée ou non est l’indication d’ODYP. Le stade 4 de Dell où la TM est luxée sans possibilité de réduction et le stade 3 où la TM est douloureuse ne supporteront pas toujours l’appui du bracelet [9, 10]. La déformation en marche d’escalier des stades avancés ne permet pas toujours une bonne adaptation du recouvrement de la TM. L’indication idéale serait donc une instabilité réductible de la TM dans les stades 1 et 2, voire 3 chez des patients actifs.
Évaluation
L’évaluation de cette orthèse se fait par l’analyse des résultats d’une grille de tests présentée ci-dessus, après collecte des résultats de cas revus.
Pierre Ruelle
MKDE orthèsiste Gemmsor
Références
1. Ruelle P. Orthèse de protection trapézométacarpienne. Ann Kinesither 1997;24:152-7.
2. Chantraine A, Gremion G, De Bosset C. Intérêt de l’orthèse dans la rhizarthrose. J Readapt Med 1992 ;12:58-61.
3. Ramella M, Martorana U, Pajardi G. Il trattamento conservativo per l’artrosi trapezometacarpica : revisioni dei casi clinici. Riv Chir Mano 2004;41:105-8.
4. François Y. Influence d’une orthèse pour le maintien de l’ouverture de la première commissure dans la rhizarthrose. Ann Chir Main 1987;6:245-54.
5. Allieu Y, Blotman F. Rhizarthrose du pouce et lésions arthrosiques péritrapéziennes. Arthrose de la main et du poignet. Encyclop Med Chir, Paris, Appareil locomoteur, 14066 A 10, 3/1984.
6. Patri B, Gatto A. Quelques données sur le vieillissement de la main. Ann. Kinésithér 1984;11:125-35.
7. Hautefeuille P, Duquesnoy B. Rhizarthrose du pouce. Rev Pratique 1991;41:2714-7.
8. Cooney WP, Chao EVS. Biomechanical analysis of static forces in the thumb during hand function. J Bones joint surg 1977;59A:27-36.
9. Zancolli EA, Ziadenberg C, Zancolli E. Biomecanics of the trapezometacarpal joint. Clin Orthop Rel Res 1987;220:14-26.
10. Florack TM, Miller RJ, Pellegrini VD, Burton RI, Dunn MG. The prevalence of carpal tunnel syndrome in patients with basal joint arthritis of the thumb. Journal of hand surgery-american volume. 1992;17:624-30.
11. Boutan M, Genin-Etcheberry T, Peres J.M, Ribiere J. Le protocole Biarrot de rééducation post-opératoire de rhizarthrose. Kinésithérapie les annales. 2003 ;20-21:36-41.
12. Dupeyron A, Ehrler S, Isner-Horobeti ME. Annales de réadaptation et de médecine Physique. 2001;44:123-31.
13. Mansat P, Railhac JJ, Fournié B. Arthrose digitale. La lettre de l’Observatoire du mouvement 2007;21:1-8.
Ce dossier est issu de l’édition :
FMT MAG 98
mars/avril/mai 2011
Magazine trimestriel gratuit d’information diffusé à 38 000 exemplaires
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