Qu’il est long d’apprendre à faire la moindre chose de la façon la plus grande. Goethe
Vous voilà équipés après 4 années d’études « acharnées » où vous avez douté de vous jusqu’à cette date que vous n’oublierez pas celle où votre nom est affiché sur cette page blanche des reçus…
Vous avez éclaté de joie, crié comme lors de vos premières récréations en maternelle après avoir passé quelques heures les bras croisés à écouter la maîtresse. Les larmes aux yeux vous avez appelé vos proches et l’émotion a gagné toute la famille mais aussi toute la promo.
Bravo, mais ce n’est qu’un début… En effet, le travail commence pour vous demain. Chaque Institut de formation, avec sa nouvelle étiquette universitaire, vous a équipé d’une caisse à outils de Masseur-Kinésithérapeute… Pardon de kinésithérapeute, soyons moderne… Il y a aussi quelques méthodes, des bases de chercheurs et grâce à vos stages un soupçon de savoir-faire.
Mais si travailler, c’est faire ce que l’on ne sait pas faire, ce que l’on n’a pas appris à faire, alors se pose au chercheur spécialiste de la formation professionnelle que je suis, la question de l’utilité de former les individus à un métier. Faut-il former le boucher à travers un CAP ou un bac pro ? Faut-il former le médecin ou le pilote de ligne avec les dispositifs universitaires actuels ?
Le bon sens ne nous impose-t-il pas de donner une réponse affirmative mais cela ne règle pas complètement la question ?
Pourquoi faut-il se former alors que l’on ne fera pas ce que l’on a appris ? Sans doute parce « qu’avant de courir il faut apprendre à marcher » comme dit la formule populaire. Travailler en inventant (ou en s’imaginant inventer) une manière originale de faire ne repose pas sur rien. C’est en maîtrisant avec l’expérience les situations habituelles rencontrées dans son métier que le professionnel peut, sans risque, s’en écarter et développer son style personnel…
Ainsi, en quittant vos instituts de formation avec votre propre caisse à outils, vous allez vite constater, que l’écart entre « ce que l’on apprend à l’école et ce que l’on fait réellement ensuite » peut être considéré comme naturel. Il est la preuve que le travail, trop souvent confondu avec l’emploi, est souvent mal pensé, voire impensé, dans les formations dites « professionnelles ». Il est aussi la preuve que l’homme qui travaille invente et s’invente.
Dès lors, un bon dispositif de formation professionnelle permet la professionnalisation des individus en leurs donnant des outils de compréhension du métier, de ses règles communes et de son contexte. Ses outils sont alors des moyens d’émancipation, chacun devant, pour travailler, dépasser les règles et créer sa réponse singulière mais toujours habitée de la « culture » de son métier.
J’ai le plaisir de vous souhaiter une bonne route kinésithérapique, à la découverte de nouveaux horizons pour notre métier, de contribuer avec efficience à sa pérennité et à son déploiement au service de tous les citoyens de notre pays mais aussi du monde.