Retrouvez plusieurs exercices d’entrainement visant au renforcement des stabilisateurs du rachis cervical dans une optique de stabilisation des muscles profonds du rachis cervical lors du mouvement de la tête ou pendant le maintien d’une posture quelconque.
La connaissance des muscles du rachis cervical est de leurs fonctions permet une évaluation clinique détaillée. Les protocoles de rééducation ou de sollicitation musculaire sont à adapter en conséquence.

Résumé :

Le système musculaire complexe entourant le rachis cervical doit contribuer à conserver ses deux caractéristiques : la mobilité et la stabilité segmentaire.

Pour assurer cette fonction complexe, les muscles cervicaux doivent travailler en coordination.

Cette harmonie musculaire doit être entretenue par des exercices spécifiques visant à intégrer la capacité de stabilisation des muscles profonds du rachis cervical dans le programme du mouvement de la tête ou pendant le maintien d’une posture quelconque.

Introduction

Le rachis cervical a été décrit par plusieurs auteurs comme étant le segment qui commence par l’occiput et se termine au niveau de la septième vertèbre cervicale [1,2]. Le fonctionnement mécanique du rachis cervical a été souvent décrit dans la littérature [3-6]. Même une sollicitation simple entraîne un mouvement composé. Sa position par rapport à la tête et aux membres supérieurs le soumet à des contraintes mécaniques et fonctionnelles pouvant perturber son comportement tant en mode statique que dynamique [7].

Face à ce comportement complexe, les muscles du rachis cervical sont chargés d’assurer la mobilité de la tête mais aussi du maintien de sa posture. Ces fonctions sont accomplies suivant un recrutement musculaire spécifique effectué par 22 paires de muscles qui relient la tête avec la colonne cervicale et la ceinture scapulaire [8].

Selon Kapandji, les muscles du rachis cervical se composent de quatre plans musculaires superposés. De la profondeur à la superficie on trouve : le plan profond, le plan des complexus, le plan du splénius et de l’angulaire et le plan superficiel [1].

Les muscles profonds sont les plus sollicités assurant la stabilité segmentaire intervertébrale et contribuant largement au maintien de la courbure cervicale physiologique en statique et/ou en dynamique.

Cet élément de stabilité du rachis cervical et de la conservation de la lordose surtout en dynamique est un pré-requis pour tout mouvement du rachis cervical dit en bonne condition structurelle.

Le renforcement de ces muscles profonds (tableau I) doit obligatoirement faire partie du programme de rééducation des patients cervicalgiques [9]. Le terme « renforcement » est souvent mal utilisé dans la description de l’acte de la sollicitation de ces groupes musculaires.

Le but ultime est d’intégrer la capacité de stabilisation des muscles profonds du rachis cervical dans le programme du mouvement de la tête ou pendant le maintien d’une posture quelconque. La sollicitation d’une co-contraction bien harmonisée entre les différents plans des muscles du rachis cervical est souvent l’objectif principal de tout programme de rééducation. Une co-contraction sert normalement à assurer une raideur active d’un segment articulaire pour minimiser l’influence d’un changement éventuel de la posture statique et dynamique. Celle-ci vise également à obtenir un équilibre des moments de forces internes et externes appliquées de façon à diminuer les charges et les contraintes résultantes [10].

Tableau I. Musculature cranio-vertébrale (cranio-cervicale).

Muscle Action
Rectus capitis posterior minor Extension de l’articulation atloïdo-occipitale
Rectus capitis posterior major Extension du complexe craniovertébral et rotation ipsilatérale
Oblique supérieur Flexion et extension latérale de l’articulation atloïdo-occipitale
Oblique inférieur Rotation ipsilatérale de l’articulation atloïdo-occipitale
Rectus capitis lateralis Inclinaison ipsilatérale de l’articulation atloïdo-occipitale
Rectus capitis anterior Flexion de l’articulation atloïdo-occipitale

 

Positions de la région cervicale en fonction de la position de la tête

La position de la tête semble jouer un rôle dans la survenue de certaines cervicalgies (notamment lorsqu’elle est anté-projetée) [11].

Le tableau II montre les positions du rachis cervical en fonction de la position de la tête en condition non-pathologique. La synchronisation entre les mouvements de la tête et du rachis cervical constitue un élément d’une bonne condition dynamique musculaire et intervertébrale.

Programme de renforcement des muscles stabilisateurs

Le but de ce programme est d’entraîner, spécifiquement, dans la fonction de stabilisation, les fléchisseurs et les extenseurs profonds de la nuque. L’objectif du programme sert également à solliciter les phénomènes de co-contractions lorsque la région cervicale est en position neutre.

À cet égard, des exercices spécifiques aux muscles stabilisateurs du rachis cervical sont proposés et visent à trouver une certaine harmonie entre la mobilité intervertébrale et le travail musculaire le plus souvent postural.

Le programme consiste en trois phases successives [12] (tableau III) :

  • la phase isométrique, dans laquelle les muscles stabilisateurs sont sollicités dans une posture statique du rachis cervical (maintien postural) ;
  • la phase dynamique, dans laquelle les mêmes muscles sont sollicités pendant un mouvement du membre supérieur ;
  • la phase dynamique, dans laquelle les muscles stabilisateurs sont sollicités pendant un mouvement de la tête.

Première phase

Mobilisation de la région cervicale dans toutes les positions

Figure 1. Elévation du membre supérieur en contrôlant la stabilisation du rachis cervicalfigure-1-elevation-du-membre-superieur

Le rachis cervical est mobilisé dans toutes les directions afin d’assurer une information proprioceptive suffisante et préalable à une bonne prise de conscience des mouvements effectués dans les différents exercices.

Éducation d’une bonne extension segmentaire

Le patient est invité à contrôler l’extension du rachis cervical sans translation antérieure excessive de la tête. Cet exercice peut être réalisé en position assise ou en quadripédie, devant un miroir, pour avoir un feed-back de correction.

En progression et durant tous les exercices de cette phase, le thérapeute peut induire une résistance manuelle graduée ou changer les positions de telle sorte que la gravité constitue une résistance naturelle à ses mouvements de correction.

Renforcement en auto-résistance des extenseurs profonds

  • Sollicitation des extenseurs profonds de la région cervicale.
  • Électrostimulation des extenseurs du rachis cervical en décubitus.
  • Renforcement en auto-résistance des muscles multifidus et sous-occipitaux.

Le patient enfonce le coussin sous sa nuque tout en conservant une position de double-menton.

  • En progression, le patient peut se mettre en quatre-pattes sur un medecin-ball (appelé « ballon de Klein » en France). Cette position favorise l’extension cranio-cervicale. Le patient est invité à contrôler la flexion cervicale haute pendant qu’il réalise une extension du rachis cervical moyen et inférieur. Le rachis cervical se rectifie dans la position de départ.

Tableau II. Positions de la région cervicale en fonction de la position de la tête

tableau2-programme-de-renforcement-stabilisateurs

Deuxième phase

Un bon contrôle des muscles stabilisateurs du rachis cervical en posture statique prépare la phase suivante du programme qui vise à solliciter ce contrôle pendant le mouvement des membres supérieurs dans des différentes positions. L’exercice consiste à élever le membre supérieur tout en maintenant la co-contraction de la musculature cervicale et dans des positions variées (décubitus, quatre pattes, assis, debout). La position du patient et l’amplitude de la flexion du membre supérieur sont adaptées en fonction de la capacité et de la progression du patient. Différents mouvements du membre supérieur en analytique, en diagonale ou en croisement sont combinés à la co-contraction cervicale. Ces mouvements ne peuvent être sollicités qu’en présence d’une lordose neutre préalable du rachis cervical.

L’élévation unilatérale à plus de 90° du membre supérieur, accompagnée de la co-contraction maintenue de la musculature cervicale, sollicite fortement le système de stabilisation du rachis cervical (figure 1). L’élévation bilatérale à moins de 90° dans la même condition est moins spécifique.

L’utilisation d’haltères, de medecin-ball ou de bandes élastiques, type Thera-Band®, permet une progression dans la sollicitation du système de stabilisation cervicale (figure 2).

Exercices sur medecin-ball

  • Le patient se met en procubitus sur le ballon. Un membre inférieur et un membre supérieur du côté opposé, sont en appui sur le sol. L’élévation du membre supérieur libre est accompagnée par la co-contraction de la musculature cervicale tout en maintenant la tête dans l’axe du corps (figure 3).
  • Le patient se met en position assise sur le ballon. Il tient par les mains deux poignées attachées à un poids ou deux côtés d’un Thera-Band® (figure 4). La co-contraction de la musculature cervicale est synchronisée avec des mouvements contre-résistance des membres supérieurs.

figure2-utilisation-thera-band
Figure 2. Utilisation d’un Thera-Band comme résistance à l’élévation du membre supérieur accompagnant la contraction préalable des muscles profonds du rachis
cervical
figure-3-elevation-ms
Figure 3. Elévation du MS et du MI controlatéraux sur un ballon de rééducation
figure-4-assis-ballon
Figure 4. Patient assis sur un ballon de rééducation tenant une bande élastique

Tableau III. Musculature de la région cervicale basse

tabelau3-musculature-region-cervicale-basse

Troisième phase

flexion-segmentaire-double-mentonFigure 5.
a) Double-menton en position neutre
figure5-double-menton-position-neutre
b) Flexion segmentaire avec double-menton

Le but de cette phase est d’éduquer le patient à maintenir la stabilité segmentaire tout en mobilisant le rachis cervical. En progression et durant tous les exercices de cette phase, le thérapeute peut induire une résistance manuelle graduée ou changer les positions de telle sorte que la gravité constitue une résistance naturelle à ses mouvements de correction.

Flexion cervicale segmentaire

Tout en conservant l’attitude du double-menton, le patient effectue une flexion segmentaire puis un retour à la position neutre de départ et toujours en double-menton (figure 5).

Dans une autre variante de l’exercice, le patient, semi-assis effectue une élévation de la tête de la surface de la table tout en réalisant le double-menton (figure 6).

Mouvements de rotation et d’inclinaison contrôlés en décharge

Patient en décubitus. La tête reposant sur le sommet d’un coussin à coin supérieur. Tout en maintenant le double-menton, il essaie de réaliser une rotation et une inclinaison combinées des deux côtés (figure 7).

L’exercice peut être réalisé en latérocubitus. Le patient comprime un oreiller circulaire remplissant l’espace entre le rachis cervical et la table sans mouvement de l’épaule (figure 8).

Mouvements de rotation et d’inclinaison contrôlés en charge

Cet exercice peut être réalisé devant un miroir pour avoir un feedback visuel. Le patient réalise des mouvements de rotation et d’inclinaison en double-menton, dos collé au mur. Il ne faut pas tomber dans l’hypermobilité et le double menton doit être réalisé tout au long de l’exercice.

Mouvements de la région cervicale avec résistance appliquée par le thérapeute

Le patient réalise des mouvements analytiques puis combinés au niveau du rachis cervical (en flexion, extension, rotation et inclinaison) avec résistance (par le thérapeute).

Auto-résistance dans des séquences fonctionnelles de la tête et du rachis cervical.

Le patient réalise des mouvements dits fonctionnels (utilisés dans la vie quotidienne) au niveau du rachis cervical. Ces exercices peuvent êtres réalisés en auto-résistance à l’aide d’une serviette ou par les mains en position de prise et contre-prise. Le double menton est toujours respecté.

Conclusion

Un programme de rééducation des patients cervicalgiques doit nécessairement inclure des techniques sollicitant les muscles stabilisateurs du rachis cervical. Ces muscles doivent s’intégrer en isométrique dans toutes les postures de la nuque, mais encore en dynamique dans tous les mouvements.

Ahmad Rifai Sarraj
Directeur du Centre Multidisciplinaire R.E.H.A.B, Tripoli – Liban

figure6-elevation-tete-plan-table-bouble-menton
Figure 6. Elévation de la tête du plan de la table en double-menton sollicitant les fléchisseurs profonds
figure7-mouvement-inclinaison-rotation
Figure 7. Mouvements d’inclinaisons et de rotations sur un coussin triangulaire à sommet supérieur
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Figure 8. Compression par la face latérale de la nuque d’un oreiller cylindrique

Références

1. Kapandji IA. Physiologie articulaire (Tome 3 : tête et rachis). Maloine. Ed.6, 2007.
2. Lysell E. Motion in the cervical spine. Acta. Orthop Scand Supp 1969 ; 123:1-61.
3. Dvorak J et al. In vivo flexion-extension of the normal cervical spine. J Orthop Res 1991 ; 9:828-34.
4. Penning L. Normal movements of the cervical spine. AJR Am J Roentgenol 1978 ;130:317-26.
5. Wen N. Contribution à l’étude expérimentale du comportement mécanique in vitro du rachis cervical [thèse]. Paris : Ensam, 1993. p.1-234.
6. Sforza C et al. Three dimensional analysis of active head and cervical spine range of motion: effect of age in healthy male subjects. Clin Biomech 2002 ;17:611-4.
7. Watier B. Comportement mécanique du rachis cervical : une revue de littérature. ITBM-RBM 2006 ;27:92-106.
8. Dvir Z, Prushansky T. Cervical muscles strength testing: methods and clinical implications. J Manipulative Physiol Ther 2008 ;31:518-24.
9. Philadelphia Panel Evidence-Based Clinical Practice Guidelines on Selected Rehabilitation Interventions for Neck Pain. Phys Ther 2001 ;81:1701-17.
10. Hyeonki C. Quantitative assessment of co-contraction in cervical musculature. Medical Engineering & Physics 2003 ;25:133-40.
11. Masso-kinésithérapie dans les cervicalgies communes et dans le cadre du coup du lapin ou whiplash. ANAES. Mai 2003.
12. Hall C M, Thein Brody L. Therapeutic Exercise Moving Toward Function, 2nd Edition, Lippincott Williams & Wilkins, 2005.